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dimanche 10 octobre 2010

"De moi à toi…"

Il est là, les genoux recroquevillés sous son petit menton, ses yeux froncés embués de larmes, les mâchoires serrées par la colère, l’entêtement et la révolte au front. Il a peur, il se souvient, il remémore les bons moments passés ensemble… Et je le regarde, je te regarde…
Toi tu es perdu dans tes pensées qui te frôlent, te saisissent, t’envahissent puis t’abandonnent comme si elles n’avaient jamais existées… Elles sont comme des oiseaux de mer qui cherchent et trouvent enfin leurs proies. Et pourtant ! Et pourtant tes rêves de petit garçon sont mêlés aux souvenirs qui t’échappent… Pauvre petit, que je t’aime…

Et puis tu les regardes passer ces mouettes qui se bataillent au dessus des vagues, des mouvements de l’eau qui m’emporte au loin encore plus loin, bien plus au sud de toi.

Tu te souviens de moi ? Tu te rappelles les ricochets sur le bord de la rivière, sur la Baïse, à Nérac ? Tu te rappelles nos ballades sur les chemins de ton village, main dans la main, comme deux frères, deux amis, deux êtres qui s’aiment ??? Tu t’en souviens petit homme ? C’était bon, c’était l’insouciance, c’était le bonheur quoi ! Moi, je te regarde là, errant dans tes pensées de grand jeune homme maintenant. Tu mûris, tu t’affirmes, tu deviens l’homme que j’aurais aimé aider à se façonner a l’image de l’idéal que j’imaginais pour mes enfants… Tu sais ? Je veux parler de ta mère et de ton parrain, mon autre enfant…

Aujourd’hui tu t’en rappelles par bribes, par détails, par odeurs, par fugitives sensations passées dans le tiroir de tes souvenances… Cela te rejoint petit homme. Tu es parcelle de moi ! Oh mon petit, que je t’aime. Et je te vois seul sur cette plage déserte à regarder ces oiseaux virevoltant d’un mouvement large et ample, oiseaux qui te disent en te susurrant à l’oreille : « Viens avec nous, il est là, il est avec nous et  tu le rejoindras, il se souvient de toi et il t’aide maintenant à grandir, à devenir un grand petit homme ! » Et les mouettes en folie tournaient, retournaient comme pour mieux t’attirer dans la mer avec elles… Leurs piaillements stridents étaient les mots que je te soufflais dans l’oreille.  Elles chantaient aussi ces chansonnettes que nous fredonnions ensemble sur les sentiers de ta campagne … Tu te souviens petit ? Oui ? C’étaient des chansonnettes enfantines que tu avais apprises à ton école et tu me reprenais quand je me trompais. Oh, nous n’étions pas à l’unisson tous les deux, mais à force de marcher ensemble nous aurions pu former un beau duo non, tu ne trouves pas ? Oui, nous aurions pu, si le temps l’avait voulu et surtout si celui-ci l’avait accepté. Mais il n’en a pas été ainsi. Il en a été décidé tout autrement et cela… ça fait partie de la vie, celle que nous nous sommes choisi et qui par des hasards malheureux s’en vont dans des directions toutes autres que celles que nous imaginions. Et là, tu n’y peux rien… Tu fais comme moi et moi je fais comme toi… Je subis la dure loi de la vie !

Tes yeux dans le flou, errants sur le haut des vagues grises de la mer du Nord, tu penses à moi. Je le sais que tu le sais. Je te vois, je m’approche fugitivement, timidement pour commencer ; puis je m’enhardis et je te touche le bras, je frôle ta petite main de petit homme et j’ai moi aussi tout comme toi, des larmes d’esprit… Oh ! Que je t’aime.  Et je ne sais pas comment te le dire. Je ne sais pas comment te faire comprendre ce que je ressens à cet instant précis où ma pensée rejoint et se mêle à la tienne.  Et tu te sens seul, mais je suis là tu sais, je suis là. Dorénavant, et je l’ai décidé qu’à partir de maintenant je serais toujours à tes côtés par la pensée, toujours présent sans que tu le saches ni ne le vois.

Il y a quelques années déjà, nous avions fait connaissance toi et moi, nous grandissions et vieillissions ensemble, toi le bébé et moi le vieux « Papou » ! J’avais tout d’abord saisi ton corps de petit comme un objet précieux que l’on n’ose manipuler qu’avec de grandes précautions et d’infinies délicatesses. Cela me rappelait les périodes si lointaines où je prenais mes enfants dans les bras, elle ta maman et lui son frère, ton parrain ! Que c’était loin déjà. Et puis, et puis, tu me montais sur le ventre, sur « mon bidon » comme tu aimais à le dire. Tu te faisais les muscles des jambes comme pour me faire les miens, mes anciens abdominaux. Tu te souviens ? Et puis tu me prenais par les cheveux et les tirait et les tirait encore comme si… Comme si … Je ne sais plus ! Et puis tu as commencé à parler, à dire « Maman, papa, Papou, Mamou et d’autres petits mots de tendresse, car tu étais naturellement tendre, bon, amour, gentillesse, sincère et tu me disais : « Je t’aime très, très fort, mon Papou chéri. » Et je te répondais : « Moi aussi mon cher petit. » C’était le bon temps. C’est si loin et si proche à la fois. Et c’est ça, la vie. Et je pensais t’aider à grandir, toi si fragile dans ce monde de fous violents et de brutes primaires. Je voulais et  j’en avais la ferme détermination, te protéger contre toutes les bêtises humaines qui rodent autour de tous les petits enfants qui sont purs, qui sont amour, bonté et sincérité et aussi innocence et, et…

Et il en a été décidé autrement…

Tu te souviens petit ? Et toi tu les regardes ces oiseaux fous qui rasent l’écume de leurs ailes blanches. Te rapprochent-ils un peu de moi ? Sens-tu que je suis là, près de toi à cet instant ? Et puis et puis…

Et puis le drame est arrivé, sournois et imprévu. Nous nous sommes tous trouvés emportés dans la tourmente familiale. La connerie quoi. Pardonnes-moi, mais ça m’a échappé. La connerie quoi, j’insiste. Le gâchis de la vie, d’amour, de fraternité, de tendresse, de baisers et de beaucoup d’argent aussi… Mais l’argent n’est pas l’important, non. Ce sont les sentiments qui le sont : à toi comme à moi, car nous sommes pareils tous les deux. Toi l’enfant et moi le grand-père, le Papou comme tu disais et que tu aimais à répéter… « Papou… Je t’aime ! » Criais-tu très fort à la cantonade à qui voulait bien t’entendre... Et c’est là que la chute à commencée, une spirale sans fin, qui enveloppe et nous entraine dans l’abime, tout au fond, là où l’âme sans courage ne remonterait pas. Et « Elle », ta maman, a commencé à avoir son cerveau qui s’embrumait par de mauvaises pensées, par des effluves de chimie qui lui troublaient l’âme. Tu sais, l’âme ? C’est ce qui est au tout au-dessus de ta tête, qui flotte en vapeur, en vibration et que tu ne peux pas saisir… Tu sais, c’est ce qui te permet de penser, qui n’est qu’à toi et rien qu’à toi… L’âme est ce que l’on ne peut pas t’enlever car elle est ton TOI, ton être qui vis par et grâce à elle… C’est cette impalpable chose, invisible, insaisissable qu’il est si difficile de contrôler ; un effluve vaporeuse et transparente inaccessible au toucher… Et puis « Elle » a commencé à crier, à dire des mots orduriers que tu n’avais jamais entendus, dans tes d’oreilles de petit garçon. Et là tu as commencé à avoir des peurs, des chagrins... Toi le petit, tu croyais innocemment et naïvement que tout était beau, tout était sain, joie, amour tendresse et nature bleue. Tu ne savais pas ce qu’était la peur avant ces moments  nouveaux pour toi. Des moments si neufs et qui vieilliront avec toi, comme enfermés aujourd’hui dans tes gènes de petit homme. Tu ne pourras jamais oublier ces durs instants. « Elle » criait sur toi alors que tu n’avais rien fait. Elle criait aussi sur ta petite sœur venue nouvellement au monde, elle si belle comme un cadeau du ciel promis aux enfants sages. Ta petite sœur que tu avais caressée et qui pleurait toute effrayée d’entendre votre chère maman crier si fort. Vous aviez peur tous les deux enfermés dans les cris des grands, de ceux que l’on appelle les parents, les adultes. Et puis encore et encore… Il y avait les odeurs de maman. Le gout des baisers d’aujourd’hui n’avaient plus le goût des baisers d’hier. C’était hier… C’était l’alcool… Oui, petit, c’était l’alcool. Et tu te souviens toi, des bouteilles qui roulaient dans ta maison, même dans la chambre de ta petite sœur, même sous les piles de linge où ta « chère petite maman » les cachait. Ces moments là te resteront gravés en toi d’une encre indélébile, nauséabonde et grave, comme tu dis, « GRAVE » !

Les faits se précisaient petit à petit, s’accéléraient, se superposaient aux événements récents se couvrant comme des strates, des schistes d’ardoises qui veulent faire comme s’ils étaient des lits d’enfants à étage. Les bousculades, les cris, les déchets dans ta maisons, les poubelles non vidées, les excréments de ta chienne, les vaisselles sales qui s’empilaient et toi et ta sœur qui au milieu de cette Bérézina ménagère hurlaient de peur… Oh mon petit… Oh mes petits chéris. Au téléphone, je me souviens de ta phrase apeurée qui disait : « Papou, Mamou, maman ne va pas bien. Qu’est-ce que je fais, Mamou ?» Et nous là-bas, effarés, effondrés, fous d’inquiétude, de douleur et d’impuissance par rapport à la distance qui nous séparaient, nous appelions untel ou unetelle pour nous aider à vous aider vous les tout petits, les fragiles. De là où nous étions, c'est-à-dire à plus de neuf- cents kilomètres nos angoisses s’amplifiaient. Les affres d’inquiétude nous torturaient et nous taraudaient le cœur comme une vrille fraierait son chemin au centre du bois. Nous étions vous et nous le bois vrillé, perforés par cette fraise sournoise de la maladie qui rongeait ta chère petite maman. Oh ! Qu’ils étaient durs ces moments d’impuissances. Nous venions petit, nous venions tout de même le plus vite que nous le pouvions. Si, le plus vite possible. Tu le sais toi que nous nous dépêchions de vous rejoindre…Et puis, et puis…

Et puis nous l’avons emmenée dans des maisons pour soigner des gens comme « Elle » et comme bien d’autres qu’Elle, ceux qui sont atteint dans leur tête des maux que les petits enfants ne peuvent pas comprendre. C’était une grande maison dont les portes étaient toujours fermées. Ces portes étaient fermées pour les soigner eux ou bien pour protéger ceux qui sont dehors ? Un petit enfant, tu sais mon chéri, ne doit pas connaître si tôt les douleurs que causent ou subissent les grandes personnes. Un petit enfant est là sur la terre pour grandir, pour aimer, vivre une vie de petit enfant : comme tu le faisais avant en disant si souvent « Je t’aime très très fort mon Papou chéri »… Et je rajoutais bêtement : « Papou chéri de tes doigts de pieds ». Ce qui n’avait aucun rapport mais cela avait le bonheur, le mérite et le plaisir de nous faire rire tous deux aux éclats. Tu te souviens petit ? Moi je m’en souviens, et je suis près de toi en ce moment, à vouloir m’incruster dans tes pensées secrètes, à m’y immiscer comme un furtif esprit qui veut communiquer de l’au-delà avec l’être humain. Et puis, et puis…

Nous allions ensemble voir ta maman, là où « Elle » se trouvait, dans cet hôpital où les malades sont comme les docteurs et les docteurs comme les malades… C'est-à-dire, malades… On ne les différenciait les uns des autres que par les habits blancs qu’ils portaient. Tu sais ces messieurs avec les blouses blanches avec des crayons dans leurs pochettes sur la poitrine et des boites de médicaments à la main ? Tu te souviens, dis ?  Et tu l’a découvrais là au fond de la pièce commune, prostrée, plongée dans des pensées secrètes qui n’étaient qu’à elle, des pensées que peux avoir une maman malade dans sa tête ! Et tu t’approchais d’elle timidement comme si tu avais peur de voir ressurgir les difficiles moments que tu avais vécus auparavant dans ta maison, en compagnie de ta si petite sœur. « Comment ça va, maman ? Tu as toujours mal à la tête ? », Demandais-tu  timidement en la regardant et guettant la réponse qui avait du mal à venir. Qu’elle était longue à sortir de sa bouche cette réponse. Et puis tu tentais un câlin un tout petit câlin… Oh, je m’en souviens et toi aussi tu t’en souviens. Hein, que tu t’en souviens ? C’est bien là mon drame, c’est bien ici ma douleur. Que tu te souviennes des bons moments, je le veux bien, oui. Mais ceux-ci sont des traumatismes que l’on n’efface pas en un clin d’œil ni un claquement de doigts de la mémoire d’un tout petit garçon.  Oh non…Et puis, la visite terminée, les baisers furtifs donnés, on repartait en lui disant doucement qu’on allait revenir très bientôt.  Comme pour la rassurer ou bien nous rassurer nous…

Et nous les vieux, les grands parents, les Mamou et Papou, nous qui sommes si loin de vous, on vous avait préservés des malheurs en instance, vous protégeant d’abord avec nos bras puis avec nos actes. C’était si difficile de prendre des décisions. On avait demandé l’intervention d’une assistante sociale et l’on vous avait mis dans les mains de votre père. Oh, qu’ils furent épiques et lourds à vivre ces moments là. Qu’il était douloureux de vous quitter, de vous laisser par obligation de la loi, avec lui. Nous avions fait parler notre cœur de grands-parents qui se devaient de sacrifier notre fille, ta maman, pour sauver leurs chers petits-enfants. Oui, ce fut très, très dur… Et il y eut le divorce !!!

Plus de maman le soir venant te border et t’embrasser. Rien que ton papa et son amie, celle qui se voulait te conquérir pour prendre la place de ta petite mère. Je passe sur tous les détails de haine que s’inventent et se fabriquent, imaginent et se créent dans ces moments-ci par des gens qui s’aimaient tant auparavant. Et tout ça, pour détruire encore plus vite ce qu’ils avaient vécus par l’amour. Et là mon cher petit garçon, je voudrais te demander une petite faveur, de faire un gros effort pour me faire un grand plaisir. Tu me promets ? Essaies d’oublier les mots sales, destructeurs, orduriers, vils, gras, bas, haineux et destructeurs que peuvent se dire des gens qui s’aimaient autrefois et qui se détestent maintenant : je veux parler de ta maman et de ton papa, tes parents. Ces mots te reviennent parfois, mais tu ne dois pas les dire car ce n’est pas bien d’imiter les grands qui ne s’aiment plus.

Ne pleure plus mon petit. Je suis esprit maintenant. J’ai découvert que j’étais mort, que je ne faisais plus partie de ton univers, de cette terre, de ta vie. Je ne suis plus vivant ici mais en ailleurs. Je sais que je suis encore dans ton cœur. Je suis esprit dorénavant et je veux faire maintenant de ma mort ce que je voulais faire de ma vie : te guider en t’aimant, te conduire encore un bout de temps, t’apporter mes souvenirs et les enrichir en te donnant des mots, des images, des créations, de l’imagination, de la bonté, de la beauté. Bref t’aider à grandir… D’accord grand petit homme ? Maintenant que je ne suis plus vivant, je serai TOUJOURS avec toi, TOUJOURS en toi…. Comme nous nous l’étions promis avant…

Courage petit, la vie t’attend, mais ton Papou est là maintenant, auprès de toi…

A tout à l’heure si tu le veux….






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