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vendredi 15 octobre 2010

"Les diverses réincarnations de l'artiste..."

« De Maîtres à l’élève… » ou
« des vies et des vies d'attentions… »
  

Il y a quelques milliers d’années déjà, vêtu de peaux de bêtes et assis aux pieds du Maître, je broyais les couleurs de terres d'ocres jaune ou rouge, de noir de fumée, de blanc de chaux ou d’Espagne. Tout en traçant d’un geste ample une forme animale sur la paroi de la caverne, il me dit d’un ton paternel et protecteur :
- « Tu vois gamin, tu dois dessiner et peindre ce que ta mémoire a saisi, ce que tu as vu et ce que tu as ressenti en visualisant l’animal. Il courrait ? Tu le peins comme tu l’as vu courir…»
- « Oui, M’sieur. » lui dis-je obéissant …
- « Appelle-moi Maître, mon petit ! » me dit-il d’un grognement guttural.
- « Oui, Maître. » lui répondis-je ! »
Nous étions dans les grottes d’Altamira, j’en étais à ma première leçon de peinture, rupestre celle-là. La caverne où nous travaillions était immense, obscure et profonde. Nous
avions dû nous battre contre des plantigrades gigantesques, les déloger pour pouvoir nous y abriter et de par ce fait, pouvoir nous adonner à notre art, l’art pariétal. Je partais le lendemain expérimenter bien plus loin à Lascaux, les conseils artistiques reçus qu’il m’avait enseignés. Là-bas, je savais y trouver du travail…

Quelques siècles plus tard, dans une autre vie, j’étais toujours à broyer des couleurs pour un peintre génial, travailleur infatigable. Juché sur son échafaudage, tout en haut d’une chapelle que l’on appelait Sixtine, il me dit alors :
- « Tu vois p’tit gars, tu dois prendre de la hauteur et de la distance avec ce que tu vois. Tu dois cligner des yeux pour éliminer les détails superflus. Tu comprends ? »
- « Oui, M’sieur. » lui répondis-je …
- « Appelle-moi Maître, mon garçon !»
- « Oui, Maître. » lui dis-je du bas de son chef-œuvre. Il s’agissait, vous l’aviez deviné, du divin Michel-Ange !

Plus tard, dans les Flandres, (je crois que c’était à Amsterdam), je broyais encore et encore des couleurs dans un atelier. L’éclairage venait du ciel, d’en haut à gauche et se posait sur un homme bizarrement habillé qui reproduisait avec soin les détails de son lumineux visage de tonalités d’ors. Il me dit :
- « Tu vois, mon garçon. L’important en peinture, c’est l’émotion de l’instant. Le reflet dans l’œil du portrait que tu réalises, c’est le scintillement du reflet de l’âme… Souviens - t’en bien, le reflet de la pensée ! »
- « Oui, M’sieur Rembrandt. » lui répondis-je, le remerciant avec émotion !
- « Appelle-moi Maître. » me dit-il.
- « Oui, Maître. » répondis-je, d’une humilité reconnaissante…

Encore plus tard, un artiste de la lumière et de l’ombre, de la forme et de la transparence de l’objet, de la vibration du pastel soyeux et joyeux, me dit :
- « Tu vois mon garçon, l’objet est vivant. VIVANT, tu m’entends ? Tu le devines, tu lui parles comme à un être humain et il te parle. Écoute-le bien. L’objet n’est inanimé que dans son apparence, mais il vit par l’interprétation vibratoire que tu en fais. …»
- « Oui, M’sieur Chardin. ».
- « Appelle-moi Maître Chardin, s’il-te-plait mon petit.».
- « Oui, Maître Chardin. » Lui dis-je reconnaissant de la leçon…

Dans une autre vie, j'étais à Cagnes-sur-Mer dans l’atelier de Pierre-Auguste Renoir. La belle Gabrielle posait nue pour lui seul. Il peignait d’un geste appliqué et très amoureux ses formes généreuses, sa poitrine opulente et ses fesses rebondies, sa tendre pigmentation lumineuse et nacrée … Me tapotant la joue d’un air paternel et par ce geste, me touchant le nez de sa brosse enduite de peinture, il me dit :
- « Tu vois p’tit gars, tu peins le corps de la femme, tu le caresses de tes pinceaux et ton œuvre n’est terminée que lorsque tu as envie de pincer les fesses du modèle. Compris ? » Me disait-il de son air coquin empli de lubricité.
- « Oui, M’sieur Renoir. ».
- « Appelle-moi Pierre-Auguste. ».
- « Merci M’sieur. » répondis je m’essuyant furtivement le museau…

Lors d’une pause dans un bistrot de Pigalle, un homme paraissant être assis mais qui en fait était debout, un haut de forme vissé sur la tête me dit amicalement me toisant de sa petite taille :
- « Tu prendras bien un p’tit Cognac, mon garçon ? » me dit-il tout en dévissant sa canne à pommeau et me servant un verre. « Tu vois en peinture ce qui compte, c’est la spontanéité, la sincérité, le mouvement, la légèreté et l’élégance dans le geste. Un œil. Il te faut un œil ! Compris, p’tit gars ? Tu passes me voir au Moulin-Rouge, ce soir ? Tu demanderas Monsieur Toulouse, c’est moi… »
- « Oui Monsieur Lautrec. » Répondis-je, ému et plein de reconnaissance pour tous ses précieux conseils…
Plus loin, toujours à Montmartre du côté du Lapin-Agile, un certain Picasso, Pablo pour les dames, me dit un jour :
- « L’important n’est pas de mettre de la couleur, mais de la mettre au bon endroit. Tu ne cherches pas, tu trouves. Compris petit ? »
- « Oui M’sieur. » lui dis-je… Il me répondit :
- « Appelle-moi Pablo ». J’étais au comble de la joie !

Aujourd’hui, de toutes ces vies passées, je me dis que les conseils qu’ils m’ont donné si généreusement, je dois tenter avec humilité de les suivre et avoir beaucoup de respect pour eux, eux qui ont su me les donner si simplement. Et cela pour les appliquer et d’arriver « peut-être » un jour au niveau de leur cheville.
Amis connus et inconnus… un artiste peint tout d’abord « très égoïstement », pour tout d’abord se faire plaisir à lui-même. Et si, en plus, cela plait au public, la satisfaction en est multipliée d’autant… L’objectif n’est pas de « Paraître » … mais c’est « Être soi-même. »

« Que seraient donc les artistes sans l’existence du public ?..."

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